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L'eau et sa charge sacrée...

Le caractère sacré des sources , l’eau élément religieux :

L’eau a une forte symbolique religieuse, l’eau est le lieu entre l’humain et le divin. La création  fait de l’eau une matrice. On voit qu’elle est essentielle dans tout développement naturel. Les planètes sans eau ne connaissent a priori pas de vie.  On vénérait l’eau chez les Grecs, les Romains, mais aussi chez les Gaulois et les Germains. Des génies tutélaires ou des nymphes habitaient les eaux dormantes. Ceci était connu jusqu’à la Révolution avec de nombreux pèlerinages (voir plus loin). La divinité païenne avait été souvent  remplacée par un saint, ou le culte proprement interdit au moment de la Réforme ou de la Contre-Réforme.


Dans le nouveau Testament, l’eau est omniprésente, la transition a été aisée. Citons déjà l’eau du baptême de Jésus, par Jean le Baptiste, dans le Jourdain, l’eau versé dans les jarres de purification qui devint du vin lors des noces de Cana suite au miracle du Christ, l’eau que veut puiser la samaritaine au puits de Jacob, (Jn 4,5-15)  Jésus s’y repose et lui demande de l’eau. Cet échange permet à Jésus de lui donner la primeur de son identité de Christ (l’Oint) à une samaritaine, pourtant mal vue des juifs de Jérusalem, a fortiori une femme seule et sans véritable mari. Et on affirme le Christianisme rétrograde. Et Jésus lui explique être celui qui donne de l’eau vive, celle qui ne meurt pas. Jésus s’est bien montré en premier lieu le dimanche de Pâques à des femmes ! Dont le témoignage dans le milieu juif, n’était pourtant pas considéré comme valide. (Jean et Pierre vont alors s’assurer que les femmes ne divaguent pas !).


L’eau se retrouve également dans le don de sa personne pour les autres, lors du Jeudi Saint, où Jésus prend sa tenue de service et se met à genoux, il lave les pieds de chacun de ses disciples en leur disant de faire de même, de se mettre à laver les pieds tel un serviteur, à rendre ainsi disciples toute la terre par le baptême au nom de la Trinité.

distributeur d'eau bénite, Forêt Noire.
Distributeur d'eau bénite, inspirée du Covid, dans l'église catholique d'Oberkirch, Bade-Wurtenberg, photo F.S.


Le Vendredi saint, enfin, l’eau coule du coeur du Christ, l’évangéliste Jean l’évoque, après le coup de lance porté au coeur du Christ, du sang et de l’eau qui coule, l’eau qui coule à l’Orient du temple et qui inonde de sa grâce. Il fait jaillir la vie et l’énergie du Corps du Christ.


L’eau a donc une charge symbolique puissante, ces quelques exemples le démontre aisément.  

L’eau bénite est une eau naturelle consacrée au service divin par un rite de bénédiction. On peut y ajouter du sel. Elle manque un peu dans les églises depuis les temps de pandémies,  mais se trouve généralement à l’entrée des églises dans les bénitiers. Le sel est également béni (le sel bénit), qui rappelle le sel jeté dans les eaux par le prophète Elisée  pour les guérir de leur stérilité. Elle sert aux aspersions des fidèles et aux bénédictions. Cet eau  peut être bénie à tout moment, mais sa bénédiction plus solennelle se fait avant l’aspersion dominicale.
 

L’eau a donc une charge symbolique puissante,                 ces quelques exemples le démontrent  aisément.  

Pour certains auteurs, la Torah ou la Parole de Dieu est assimilée à l’eau. Qui se répand, nourrit, fructifie. L’évangile de
Jean reprend cette symbolique de l’eau vive. On a également cette idée dans le symbole chrétien du poisson vivifié par l’eau vive. (Cardinal Daniélou, article « le symbolisme de l’eau Vive » 1958, revue des sciences religieuses, 335-346,)
Les saints chrétiens ont fait jaillir des sources, trouvé des sources, ou converti d’anciens lieux de sources de rites plus païens.  (voir l’article plus loin). Parmi les sources les plus récentes, celle de Lourdes, où la Belle Dame dit à Bernadette de se laver à la source, « le geste de l’eau » est également pratiqué pour soigner les malades dans les piscines de ce sanctuaire marial, plus loin dans le temps, la source de Sainte Odile, non loin du mont où Sainte Odile et de son abbaye. Odile l’a fait jaillir à l’aide de son bâton pour soigner un aveugle en détresse. L’eau contribua fortement à sa réputation, elle est toujours réputée pouvoir soigner des problèmes oculaires. L’eau y est puisée par les pèlerins et demeure un lieu de recueillement.
Mais on évoque ici des situations assainies. Saint Augustin s’emportait dans ses sermons contre ceux persévéraient des des pratiques païennes « si vous voyez quelqu’un faire des sorts, soit aux fontaines soit aux arbres, reprenez le fortement de ce péché si grand »  Saint Martin de Tours passe pour avoir détruit bon nombre de sanctuaires situéss à proximité de sources ou de rivières, dit A.Vauchez, dans « l’eau et les sanctuaires chrétiens dans le monde méditerranéen du Moyen-âge à nos jours ». p. 326.

Les saints sont souvent à l’origine du succès et du développement des sources dès le IV ème siècle en Occident. Saint Martin en fait jaillir, ainsi que plusieurs saintes femmes, le lien avec Marie est également présent dans de nombreux lieux. La Sainte Vierge poursuivie au désert selon l’Apocalypse est protégée par l’intervention de Saint Michel et de ses anges qui combattent la Bête et l’éloigne d’Elle, alors le serpent vomit de sa gueule comme un fleuve d’eau derrière la femme pour l’entraîner dans ses flots ; mais la terre vint à son secours : ouvrant la bouche elle engloutit le fleuve vomi par la gueule du Démon » qui s’éloigne furieux et alla « guerroyer contre le reste de ses enfants, ceux qui obéissent aux ordres de Dieu et possèdent le témoignage de Jésus ». On saisit ici l’origine des lieux consacrés à Saint Michel, à la Vierge Marie et à l’eau. Et en particulier celui qui vient des grottes, comme si  la terre régurgitait de l’eau., si l’on suit l’interprétation de A. Vauchez.

Sources sacrées et sources saintes, une étude de Jean Hubert, parue en 1967 académie des inscriptions et belles lettres, vient un peu bouleverser l’opinion commune que les saints aient succédé aux dieux du paganisme, les croix aux statues de Jupiter et de Mercure. Mais il est vrai que l’on trouve des traces archéologiques sur les lieux d’églises et de cathédrales des marques d’un ancien temple, citons Sainte Sophie de Constantinople aujourd’hui mosquée jadis consacrée au dieu Apollon, Notre-Dame de Paris sur un site consacré à Jupiter et la première cathédrale de Pernicieux au dieu Mars. Mais aucun temple sous Saint-Pierre de Rome, contrairement à certaines assertions.  Charlemagne avait édicté une capitulaire, article 63 en l’an 789 « pour ce qui est des arbres, des pierres et des fontaines, auprès desquelles des pauvres d’esprit allument des flambeaux ou pratiquent d’autres rites, nous ordonnons que ces usages exécrables à Dieu soient totalement anéantis et que partout ils disparaissent ».  


Ses imprécations furent aussi celles de Césaire d’Arles, du roi Childebert 1er et de Saint Éloi contre les cultes liés aux eaux, aux arbres et aux feux. Mais un certain respect pour les anciennes croyances demeure, Saint Grégoire de Tours, après l’incendie qui ravagea la cité parisienne en 586, déclare avec mélancolie que jadis, du temps des païens, la ville avait été consacrée (sacrata) et que cette consécration la protégeait aussi bien contre les incendies « que contre les serpents. » 

Source du mont-Ste-Odile, Alsace, ancienne carte postale

« Mais récemment, ajoute-t-il lorsqu’on nettoya l’égoût du pont, on y trouva un loir de bronze et un serpent de même métal, et l’on ne prit pas la précaution de les y garder. Depuis lors, les serpents se multiplient dans la ville et celle-ci n’est plus épargnée par les incendies ». On peut s’étonner de telles déclarations d’un homme d’église, non suspecté d’hérésie. (cité par Jean Hubert in sources sacrées et source saintes, 1967, p. 573)
La transition ne fut pourtant pas automatique, ce n’est souvent qu’après une période d’abandon de ces lieux qu’ils furent christianisés après avoir été oubliés. L’évêque de Mende a ainsi éloigné le sanctuaire des lacs de montagne du Gévaudan où se déroulaient des libations,  où l’on jetait au fond des eaux  du linge et au bout de trois jours de cérémonie on attendait la venue de la pluie. (VIème  siècle).  6000 sources et fontaines dans toute la France qui font l’objet de pratiques superstitieuses ou vouées à Dieu et aux saints plus tard. Mais nombreuses sont celles qui ont pourtant conservées une dénomination païenne, telle les fontaines aux fées, aux dames, aux miracles, aux fièvres. (Seine et Marne).  


Les multiples fondations monastiques dans toutes les régions françaises à partir du XI ième siècle semble avoir propagé les édifices religieux, croix, et la christianisation d’autres lieux « fontaines aux prêtres » fontaines aux moines en Seine-et-Marne.


D’anciennes églises, sanctuaires ont été bâtis, disent les relevées archéologiques contemporains sur d’anciens temples, mais ils ont également en leur sein un puits. Chartres, Tournus, Saint-Gilles du Gard, sont ainsi concernés et reprendraient ainsi la configuration des temps de l’antiquité païenne. L’architecte Violet-le-Duc lui n’y voit que le puits des maçons, creusé pour les besoins de l’ouvrage, une sorte de « puits de l’oeuvre ». Pourtant placé en plein coeur, au centre de l’édifice, souvent à côté du saint mis en valeur dans l’édifice, tel St Médard, à St Médard de Soissons, ou au pied du saint à Saint-Germain-des-prés, ou celui des « saints forts » à Saint-Pierre le Vif de Sens. Les sanctuaires, abbayes fondées au Moyen-âge, XI et XIIème siècle ont tous des puits et des fontaines saintes ex.Angeac, ND de Josaphat.

Mircea Eliade, historien des religions, nous explique que sous le terme Pater Rhenanus, le « Père Rhin », on entend en réalité une manifestation de la puissance créatrice mais aussi dévastatrice du Rhin. Il dit aussi que sous la cathédrale de Strasbourg, se trouve, selon la légende, un lac souterrain, habité par des monstres, sur lequel glisse la barque du lutin chargé d’amener les bébés à naître à la surface. Certaines nuits, l’on pouvait entendre des bruits et des cris terrifiants, provenants de ce lac souterrain ».  D’autres légendes racontent que ces lacs souterrains contiennent des trésors, le thème du chariot d’or a des réminiscences dans les légendes des lacs du Ballon, de la Lauch et des massifs vosgiens. Une manière d’expliquer la force et l’infini richesse de l’eau.

Dans le numéro 205 (printemps 2022) et 206 (été 2022) deux articles  complètent cette étude par une liste de lieu de pèlerinages alsaciens où une source est associée ou connue.

 

 

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