Le mois des mariage c'est le mois de juin, le mois des unions, l'occasion de nous pencher sur un autre élément de la mariée, après la bague (notre n°200, voir aussi dans ce blog), le voile et la coiffe de mariée alsacienne traditionnelle, aujourd’hui oubliée.
C’est tout d’abord un élément du rite du mariage, il s’efface ensuite.
Il prend diverses formes : le voile qui couvre les deux mariés dans le rite juif. Vous serez surpris d’apprendre que la tradition du voile de mariage s’est effacée, que la robe de mariée a été en Alsace noire jusqu’entre les deux guerres et que la mariée alsacienne ne portait pas de voile mais une coiffe magistrale « couronne de mariage » sur fond noir, (Kassel le dit pour Mietesheim, p. 352) que nous évoquerons plus avant. Il en va de même pour la couleur de la robe de la mariée, le blanc est récent, deuxième moitié du XIXime siècle, précise Van Gennep dans son « le folklore français » tome 1 du berceau à la tombe p.347 sous l'influence du dogme de l’Immaculée-Conception et sous l’influence des villes. Au moyen-âge on conduisait le jour du mariage les femmes cheveux au vent pour prouver leur virginité dit encore ce folkloriste célèbre. La coiffe permettait de distinguer la fortune, la bonne ou la mauvaise conduite de la fille, en Vendée. Les couleurs variées selon les régions et le bonnet de mariage devait être noir (!) (p.348). On peut affirmer que les robes de mariées jusqu’au XVIIIème siècle étaient multicolores partout en France, avec une dominante de rouge pour la touche de couleur. Le noir était la couleur de base. Les couleurs étaient réservées au tablier, aux galons, aux passementeries, ceintures, cocardes et flots. Le blanc arrivera en 1920. Les cérémonies de mariage durant plusieurs jours, il est également à noter que le costume change chaque jour. On évoquera donc ici le costume du jour de la cérémonie du mariage. Mais Van Gennep l’affirme, le « voile blanc, court ou long, d’une longueur parfois démesurée allant avec la robe à traine, n’est pas une coutume populaire indigène ». (p.357)
Son but : Le voile doit dissimuler et cacher, le visage de la jeune mariée, de tous les regards.
Le voile était fait dans une étoffe opaque, qui pouvait s’assimiler à un drap pour couvrir intégralement la mariée.
Aujourd’hui, il est fait en tulle léger et aérien, qui ajoute une touche de blanc, tout en transparence, que l’on coordonne avec sa tenue.
Son origine : Le voile existe depuis la nuit des temps. On en trouve les premières traces dans l’Enéide de Virgile.
Se voiler devant les dieux pour ne pas périr, les hommes doivent porter le voile devant les dieux, en signe d’oblation, d’offrande aux divinités, symbole religieux. Nous allons vous en dire plus sur les origines et les coutumes.
Dans la mode contemporaine, les boutiques de robes nuptiales, ne dissocient jamais la mariée de sa robe et de son voile.
Il doit servir, disent-ils, à « sublimer la mariée. » Je cite, mais aussi à « fixer la coiffure », sur laquelle elle se fixe délicatement grâce à un peigne, dans le chignon ou les cheveux. Qui est en général rehaussé de perles ou de brillants. » Ce voile sera blanc, ou avec un petit peu de couleur.
Le voile peut ainsi couvrir les cheveux,il doit être court ou dans un style "très princesse". Le voile court alors jusqu'au niveau de la taille.
On utilise comme matière « le tulle » ou la soie de toute manière ce sera un tissu léger, confortable à porter tout au long de la cérémonie. Voilà pour la mode contemporaine. Mais il peut être coloré en Asie, Dans les pays européens, le voile est aujourd’hui une pièce de tulle synthétique ou en soie, que l’on accroche au chignon ou que l’on place sur la tête, avec un diadème. Même s’il peut être brodé avec un peu de couleur, le voile est blanc ou de couleur crème. En 2008, la journaliste star de l’Espagne Letizia Ortiz épouse le fils du roi Juan Carlos. Élégante et distinguée, elle fait partie des femmes les mieux habillées du pays. Lors de son mariage, elle porte un voile ivoire en tulle de soie de 3 mètres de long. Richement décoré, il a des motifs champêtres, avec des fleurs et des épis de blé.
Léger et aérien, la mariée le garde tout au long de la cérémonie et de la fête, sauf en Pologne, où la mariée jette son voile à minuit aux jeunes femmes célibataires invitées. On remarque la similitude avec le bouquet de la mariée lancée aux présents et qui devait marquer un futur mariage dans l’année ou de trouver son âme soeur dans l’année.
La mariée d’Oberseebach du musée alsacien porte une magnifique couronne multicolore de fleurs sur une robe noire et un tablier parsemé de broderies dorées évoquant les leurs. De multiples rubans sur ses deux épaules sont accrochés à deux brassards fleuris caractéristiques. (le tableau de Maître Kamm complète le mannequin)
Le verre brisé … brisé…
En Italie, les jeunes mariés (souvent l’homme) sont invités à briser un vase ou un verre à leur mariage. En général ils y mettent beaucoup de cœur car le nombre de morceaux de verre ainsi obtenus symbolise le nombre d’années où le couple sera heureux en ménage. Le dicton alsacien dit « scherben bringen glück ». Les tessons de verre (contrairement à ceux de miroir) apportent le bonheur !
Dans la tradition Juive, pour clore la cérémonie, le marié casse un verre de son pied droit en souvenir de la destruction du temple de Jérusalem. Comme pour les Italiens, plus il y aura d’éclats de verre, plus le couple sera prospère. Ce geste est également là pour éloigner les démons, qui, apaisés par ce geste, pourront aller tourmenter d’autres couples de mariés. Pour la petite histoire, un restaurant avait mis à la disposition des mariés un verre si épais que le futur époux blessé au talon à force de coups de talon droit et a fait un procès au restaurateur.
Au Moyen Âge, les façades de synagogue en Allemagne étaient incrustées d'une pierre spéciale destinée à briser un verre à la fin des mariages.
Plusieurs significations sont avancées : rupture de l’hymen (c’est l’homme qui brise le verre) mais aussi la fragilité des relations humaines, les souffrances et des destructions subies par le peuple juif, la destruction du temple de Jérusalem ou par le bruit de la destruction faire fuir les mauvais esprits qui pourraient être présents au mariage.
Début du voile dans la population : 1840-1850 jusqu’en 1914-1918. Le voile a ensuite été plus court, puis en tenue de ville, le voile tend alors à disparaître. Pour le folkloriste Van Gennep, il a été importé, mais ne peut prétendre avoir des liens avec les voiles antiques des gallo-romains.
Dans les consécrations religieuses des « prises de voile », on tend à reproduire le costume de Judée traditionnel ainsi que la tenue de la Vierge Marie. L’analogie avec le mariage est forte. Notons que dans certaines régions on distribue des fragments du voile « crochon » équivalent des épingles fixant la coiffe que l’on offrait en signe de bonheur aux demoiselles d’honneur, aux fleurs d’orangers. Cette pratique est attestée en Bourgogne, Bretagne, Ile-de-France, Nivernais, Savoie, Auvergne-Velay (ici durant le repas des noces, telle la jarretière ?).
Encore un bel instant de vie, où la petite fille porte un voile, c’est au moment de la communion solennelle (catholique) et de la confirmation. Telle une jeune mariée, un voile blanc sur la tête, mais non sur le visage, elle s’avance un cierge à la main. En ce dimanche qui suit pâques, dimanche de Quasimodo, la petite femme entre dans l’église. Notons que pour la confirmation la robe est sombre. En 1872, les images de communion nous la montre telle une future mariée, voile blanc, robe brodée et missel à la main. Les images souvenirs de communion des Carmélites de Marienthal et des soeurs de Rosheim connurent un grand succès dès 1800. (voir notre numéro 160 sur les rites de passage et communion).
Les couronnes de mariage avec des perles, plus anciennes étaient conservées par la mariée, même mise sous verre. On en trouve encore certaines dans les campagnes de la Forêt-Noire et d’Alsace. Couronne que l’on trouve sur la tête de la marraine lors du rite de baptême, où elle remplace la jeune maman. Et se trouve ainsi représentée. Rappelons que le baptême était réalisé très rapidement après la naissance en raison de la forte mortalité infantile et du soucis de faire appartenir le nouveau-né à la communauté des chrétiens par le baptême.
L’Antiquité
Chaque mariée porte un voile. D’ailleurs, le mot latin « nubere » qui signifie voiler est synonyme de se marier pour les jeunes filles romaines. Ce dernier est symbole d’engagement total et de soumission à son mari. Les femmes étaient intégralement voilées au moment de la nuit de noces et le restaient lors de la consommation du mariage.
En Mésopotamie, le voile tient son origine du culte à la déesse Ishtar, qui est une prostituée sacrée (appelée également hiérodule), représentée voilée. Chaque année, le souverain doit épouser une prêtresse, servante du culte, pour assurer la fécondité sur son royaume.
Le voile est hautement symbolique en Mésopotamie. A partir du moment où l’on pose le voile sur la mariée, elle doit obéissance à son mari, qui devient son baal, c’est-à-dire son seigneur. L’homme pouvait légitimer une concubine, en lui plaçant sur la tête un voile en public.
En Grèce, le voile de la mariée, le flammeum ne lui couvre que la moitié du visage. Rouge ou orange, il symbolise la joie et la fécondité. Paradoxalement, elle porte également une couronne de fleurs, signe païen.
Le Moyen-âge
Au Moyen-âge, le voile est un porte-bonheur, qui préserve la mariée du mauvais œil, des esprits maléfiques et de la malchance. Opaque, le voile constitue une superposition d’étoffes de lin, que l’on fixe avec des bijoux.Le mariage était arrangé par les pères de famille, qui souhaitaient faire une alliance familiale. Le voile servait à cacher la mariée des yeux de son mari, qui ne la découvrait qu’au moment de la nuit de noces. Si le marié connaissait déjà sa future épouse, le couple partageait le voile pour être béni lors de la cérémonie.
Les temps modernes du XV au XIXème siècle, marqués par la culture chrétienne. Dans la culture chrétienne, la Bible composée de l’Ancien et du Nouveau Testament est la référence pour les croyants. C’est Saint Paul que l’on mentionne que la femme doit être voilée pour la prière, en tant que marque de dévotion. On cite souvent Saint Paul, (dans son évangile (sic !) dit un texte très au courant !!!) qui le demande aux femmes, mais en fait il s’adresse aux femmes qui « prient et qui prophétisent » en essayant d’invoquer des raisons théologiques et en concluant qu’il s’agit d’une coutume des églises Chrétiennes. (1 Co, 11, 4-16) (in article « voile », dictionnaire encyclopédique de la Bible, Brepols, 1987, CIB). Vu que le mariage est célébré dans un lieu de culte en présence d’un représentant de Dieu, la femme se doit donc d’être voilée par mesure de respect. De plus, il prend une dimension avec des valeurs de pureté et de chasteté. Ce rite est conservé par l’usage dans dans les milieux catholiques plus traditionalistes, mais aussi lors des visites papales ou encore dans le Sud de l’Europe, par le port de la mantille délicatement posée sur la tête de la femme lors des cérémonies religieuses.
Chez les catholiques de rite arménien. Le prêtre délie les couronnes, des bandelettes qui les unissent. Lorsque le prêtre arménien achève son serment, il cerne les têtes des mariés de deux bandelettes, joint leurs mains, et refait un serment aux mariés sur la fidélité. En approchant les têtes des mariés l'une de l'autre, puis ils se tournent vers l'autel. Le prêtre fait la bénédiction du mariage, puis il retire leurs bandeaux, ce qu'on appelle « l'enlèvement des couronnes ». Mais la femme conserve son voile qui ne couvre pas la tête mais descend sur la nuque de la mariée.
En fonction des modes, le voile ne sera pas forcément une pièce indispensable dans la tenue de la mariée. Entre la fraise et la collerette, il va être laissé de côté. C’est en 1840, lors du mariage de la reine Victoria, que le voile revient au goût du jour.
La couronne de mariage Brautkranz, Brautkrönlein, JungferKranz
remplace le voile en Alsace jusqu’entre les deux guerres mondiales.
Il s’agit de porter des habits neufs confectionnés avec soin pour les fiancés, car devant resservir dans la vie civile, les dimanches, fêtes, cérémonies, ainsi que comme costume de défunt. On prend soin de ne pas dévoiler ses vêtements avant la noce, de les faire fabriquer ou de les confectionner à la maison, d’éviter les mains de femmes méchantes, les vieilles femmes, avant de se prémunir du mauvais oeil. La robe de mariée ne doit pas être faite soi-même, contrairement au trousseau, et les futurs époux ne doivent porter que du neuf. On pense dans un dicton que si la mariée coupe ill-même sa robe, elle découpe en même temps son bonheur.
Le mariage étant sans doute le moment le plus important de la société alsacienne il n’est pas étonnant qu’il soit entouré de tant de rites, de dictons et de traditions. Le mariage lui même s’étendant sur 3 à 8 jours nombre de traditions peuvent être être respectées.
Ceux qui s’intéressent aux mariages, donneront le fameux dicton, une chose neuve, une chose empruntée, une chose bleue. Mais ce dicton ne s’applique pas en Alsace et semble inconnu.
Si une couturière laisse un goutte de sang lors de son travail ce n’est pas un signe défavorable. Mais un symbole de bonheur éternel.On songe à la symbolique de l’hymen.
Le voile s’il est porté en Alsace ne n’est pas un signe de virginité, contrairement à la couronne, mais une manière de protéger le couple du mauvais oeil.
Nous avons évoqué les perles du voile et de la robe dans les mariages royaux, on a toujours évité les perles, à Strasbourg, car elles signifient les pleurs de la future épouse et ne sont donc pas des symboles de bonheur à venir.
Evoquons la couronne, symbole de virginité, (elle devient Strohwisch couronne de paille, pour celles qui ne le seraient plus au mariage, en référence à une ancienne punition des filles aux moeurs légères devant circuler avec un tel accoutrement dans les rues, notamment au XVème siècle à Turckheim) elle est faite de romarin puis de myrte.Ces fleurs fraîches, fleur d’oranger et ces plantes seront remplacées par des fleurs artificielles dans la région de Wissembourg, car elles étaient achetées, donc précieuses, marquant un investissement dans une société où l’on ne gaspillait pas, on retrouve donc des fleurs artificielles sur ces couronnes conservées sous globe, ornement de buffet ou d’armoires dans les souvenirs familiaux et les écomusées ou maisons anciennes. On pouvait aussi y accrocher des paillettes dorées et argentées ce que l’on nomme les « Flitterchen », plumes teintes, fausses perles, rubans.
Au cours du XIXème, on y ajoute un voile pendant à la couronne.
Cette couronne prend le nom de Brautkranz, Brautkrönlein, JungferKranz, Schapel, Krönel ou Hochzittsufsatzla (vallée de Munster). (Page 140 Freddy Sarg). Mêmes termes chez Van Gennep. Viendront ensuite la robe noire sur laquelle on porte un voile blanc qui ne recouvrait pas l’ensemble de la chevelure.
On le voit nos couronnes des mariées de jadis ont définitivement laissées la place depuis les années 1920-1930 au voile de la mariée, la robe de couleur à celle de blanc, au point de ne plus comprendre les gravures de jadis et de nous rendre incapable de distinguer une mariée sur une ancienne gravure.
La mariée était en vert pourrait être le titre d'un nouveau roman alsacien !