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Noël autrement, le retable d'Issenheim

Voici le texte, paru dans notre numéro de noël 2014 n°173, de l'abbé Joseph Loeb sur le retable d'Issenheim. Dans le numéro de noël 2015, n°178 nous publions la suite de ce texte.

Noël autrement

avec Mathias Grünewald, au Retable d’Issenheim, à Colmar, par M. l’abbé Joseph Loeb.

Nous aimons nourrir notre joie de Noël à la contemplation
de la Crèche, où «le Saint Couple seul veille, sur l’Enfant qui sommeille». Sur son retable Mathias Grünewald nous détache de cette note intimiste ; il nous éblouit par une présentation grandiose qui se déroule dans l’éternel. «Aujourd’hui de Dieu» qui ne connaît ni les limitations de l’espace, ni celles du temps et ses successions :
«Aujourd’hui le Christ est né, aujourd’hui le Sauveur est apparu, aujourd’hui sur la terre exultent les Anges et les Archanges, aujourd’hui les justes chantent pleins de joie :
«Gloire à Dieu au plus haut des cieux, allelu
ia !». (Antienne du Magnificat de Noël).

Il ne fait plus nuit, mais grand jour, l’Enfant n’est plus dans une mangeoire et il n’est plus un nourrisson. C’est un beau petit garçon de quelques semaines, dans les bras de sa mère, et il peut déjà échanger son regard avec elle. Point de boeuf, point d’âne, point de Saint Joseph visible. Des bergers ? Oui, mais au

loin, en hauteur dans la montagne, et ils ne sont que deux. On y voit seulement quelques cochons ! Clin d’oeil fait par Grünenwald aux religieux commanditaires de ce retable au XVIème siècle. Ils tiendront un hôpital et auront besoin de cochons : de leurs viande pour nourrir les malades, et de leur graisse pour la transformer en pommades

médicinales.

Des Anges ? A foison. Tout en haut au Ciel où trône le Père Céleste. Et sur terre, juste à côté, serrés dans

un bel édicule gothique. Hauts en couleurs, issus des choeurs angéliques, ce sont des anges musiciens et

concertants. L’oreille ne perçoit rien, mais rien qu’à les voir les coeurs frémissent : «Gloria in excelsis Deo !» Enfin un cantique de Noël !

Il y a aussi deux Anges, à mi-hauteur. Envoyés aux bergers, l’un, est rose comme l’aube qui se lève et signifie l’ère nouvelle du Nouveau Testament. L’autre est gris et, -ce qui est vraiment étrange- porte une barbe ; il signifie sans doute le Vieux Testament et sa fin.

Nous sommes toujours à Bethléem dans les mois qui suivent la naissance de l’Enfant et précèdent la venue des Mages. Marie et l’Enfant sont en plein air. Mais où donc est Joseph ? Sans doute à son travail, sur quelque chantier peut-être ; il est chargé de famille et il faut gagner. Ce qu’il fait de tout son amour.

Le petit lit qui est là pour Jésus est sans doute de sa facture.
Marie l’a garni de draps blancs et a retenu le coussin par
un ruban rouge, signe de vie et de bonheur. Mais les langes
de l’Enfant sont en loques en signe de sa Passion future :
nous sommes déjà au Vendredi Saint : «Bald wirst du groß,
dann fließt dein Blut, von Golgotha he
rab - Bientôt grand sera/, ton Sang coulera/ du haut du Golgotha ! (Chant de noël populaire)

C’est dans sa chair qu’il va souffrir : le petit vase de nuit sur le sol et le baquet préparé pour le bain attestent de la véracité totale de l’humanité de Jésus. Mais cette chair ressuscitera après avoir souffert, sera glorifiée et présente dans l’Eucharistie. Sur le Retable c’est déjà la Fête-Dieu ! Car, à peine visible sur le tableau, une procession monte vers Dieu le Père. Elle est eucharistique, car on n’y distingue non seulement la croix et les bannières, mais aussi un dais !

Preuve que le Corps du Christ est porté : «Ave verum corpum natum de Maria Virgine (Harmonisé par Mozart) - Sois salué, Corps véritable, né de la Vierge Marie !) Le vin, qui deviendra le Sang du Christ à la Messe, est aussi déjà prêt dans burette posée sur la marche de l’édicule aux Anges. Elle est en cristal, symbole de la virginité : comme la lumière traverse le cristal sans l’altérer, le Christ a traversé le corps très pur de sa Mère, toujours Vierge.

Grünewald a habillé Marie comme une reine. En fait elle ne l’a jamais été. Joseph se serait décarcassé pour le faire, car elle était la reine de son coeur. Mais il savait que cela n’allait pas, qu’elle n’aurait jamais voulu, et que ce n’était pas nécessaire car elle était : «toute resplendissante dans l’intérieur !». (Psaume 44,14)

Le peintre l’évoque sur le Retable, derrière Marie, par le Jardin Fermé, la Fontaine Scellée, - en fait un petit plan d’eau-, la Rose mystique, le Temple du Très Haut, -en fait une église romane- : autant de symboles bibliques de la Vierge immaculée, chef d’oeuvre de la Trinité : «Jardin fermé, sainte Mère de Dieu, jardin fermé, fontaine scellée, lève-toi, ma bien-aimée, viens mon amie, viens !» (Cantiques des Cantiques). La Trinité figure sur le tableau : Dieu le Père trône dans les Cieux, le Fils est dans les bras de sa Mère. Et où est le Saint Esprit ?

Il serait représenté en fait par cette personne au visage tout de lumière, couronnée de flammes et agenouillée sous la porte de l’édicule aux Anges. De sa main

Le Saint Esprit n’a pas de saxe, mais en hébreu son nom se décline au féminin «rouach». Alors ? Ce n’est qu’une interprétation, -elle n’est pas de moi- ; elle reste hypothétique, mais elle séduit. Les Trois Personnes divines sont inséparables : à où est l’une sont aussi les deux autres. «O Profondeur de la richesse, la sagesse et la science de Dieu !» (Rom. 11,33). En méditant devant notre crèche traditionnelle rien ne vous empêcher à penser aussi à tout ce que suggère Grünewald, même si son symbolisme, et celui de ses commanditaires, reste en partie son secret. Pourvu qu’il nous aide à entrer un peu plus dans le Mystère de l’Incarnation : «O admirable échange ! En prenant un corps et une âme, le Créateur du genre humain a daigné naître de la Vierge, et, devenu homme sans le concours de l’homme, il nous a fait part de sa divinité !» (Antienne d’ouverture quotidienne à l’Office des Vigiles).

Que la richesse du Mystère de la Nativité vous nourrisse et vous réjouisse toute l’année.


Joseph Loeb- Oelenberg, décembre 2013.

petite-lanterne.com ou petite-lanterne.eu n° 173 - c droits de reproductions réservés.

cachet postable représentant une partie du retable d'Issenheim, 1991.

cachet postable représentant une partie du retable d'Issenheim, 1991.

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